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Rubrique SPARTABLOG, page Chroniques d'avril


Mercredi 30 avril 2008 : Ca me gêne

Moi, les bagnoles, ça me gêne. Ca pue, c'est moche, ça fait du bruit, ça pollue, ça tue, ça donne des sinusites.
Peut-être devrais-je rassembler des anti-bagnoles ? On ferait une association anti auto : l'AAA. A ceux qui me diraient que ce sigle est déjà pris, puisque c'est l'Association des Alcooliques Anonymes, je répondrai que c'est la même chose. On répertorierait toutes les nuisances occasionnées. Chaque jour. On comptabiliserait chaque mort, chaque malade. On harcèlerait les députés. On n'aurait de cesse de faire pondre une loi pour ôter de là ce qui nous gêne. Pour virer de la ville toutes les bagnoles. On se ferait donner des sous publics. Des automobilistes. Surtout des automobilistes. On trouverait un professionnel, un médecin de préférence, cycliste, spécialisé en chirurgie automobile, qui nous dirait tous les jours combien c'est dangereux la bagnole. Et pas seulement pour les conducteurs, mais pour les piétons, les cyclistes, victimes innocentes de l'automobilisme passif. On attaquerait tout particulièrement ceux qui écrabouillent des enfants, et qui ratatinent des vieux. Ceux qui contribuent à augmenter l'asthme. On condamnerait les marchands d'autos. On les traiterait de criminels, de marchands de mort. On mettrait dans le même sac les garagistes (tous des escrocs !) et on interdirait toutes les publicités qui vanteraient la vitesse. Puis toutes les publicités destinées à vendre des autos. On surtaxerait les automobilistes. Paf ! 50 % d'un coup. On augmenterait le prix de l'essence. Paf ! 50% d'un coup. Et on ferait des émissions télé. On y convierait des familles dévastées par la perte d'un être cher, victime de l'automobile. On ferait pleurer dans les chaumières. On instituerait la Grande Journée de l'Holocauste Automobile. On montrerait à l'école des photos de corps déchiquetés, pulvérisés dans des accidents de la route. On répéterait les chiffres sans arrêt, jusqu'à ce que chacun les connaisse par cœur. On créerait des sites Internet, des forums, tous sponsorisés par des marchands de vélos. Tous les soirs, aux infos, on continuerait à établir la comptabilité morbide de ces engins de mort. On inciterait à dénoncer ceux qui continuent à prendre leur automobile pour aller chercher le pain, où les gosses, alors que cela ne leur prendrait que 10 minutes à pieds. Puis, comme la loi serait de notre côté, on s'attaquerait aux autobus, aux camions, aux tracteurs. Puis aux avions, aux bateaux, aux fusées. Et la vie serait belle, car on serait tous cyclistes. On réintroduirait le cheval et la charrette. Mais un cheval transgénique, dont le caca ne sentirait pas mauvais. Les pousse-pousse auraient remplacé les taxis, ainsi que les voitures à bras.

_ Oh ! Oh ! Tu délires…. La bagnole, c'est indispensable.
_ Tu en as besoin pour ton boulot ?
_ Non. Ca me facilite la vie. C'est tout. Mais moi, ce qui me gêne c'est les transports en commun. Les transports en commun, ça pue, c'est moche, ça fait du bruit, c'est pour les pauvres, ça donne des maladies.
_ Moi, c'est les Arabes qui me gênent. Ca pue, c'est moche, c'est pauvre, ça fait du bruit, ça pollue, ça tue, ça donne des sinusites. Je vais d'ailleurs créer une association, l'Association des Anti Arabes (l'AAA)
_ Ca existe déjà. Ca s'appelle le FN. Ils sont aussi efficaces que les anti-fumeurs. Sarkozy les écoute et le gouvernement vire tous ces gêneurs.
_ Elle est drôlement chouette notre société. Pouvoir se débarrasser comme ça de tout ce qui gêne tout le monde… C'est ça la force de notre démocratie et de notre gouvernement. On est vachement protégé.
_ Tu crois que je pourrais créer l'AAA ? L'Association des Anti Africains ?
_ Bien sûr. Des tas de gens sont gênés par les Africains.
_ Pas tant que les Anti. C'est pour ça que moi, je vais créer l'AAA : l'Association des Anti Anti.

Mardi 29 avril 2008 : Mai 68. De la réactivation urgente de certains slogans

La France dort. Du sommeil du juste ou d'avoir pris trop de somnifères ? France léthargique que rien ne semble devoir sortir de ses tor-peurs et de sa résignation. Chacun réagit petitement, en petit groupe, en sous-groupe d'intérêts micro collectifs. La grande alliance rêvée n'a pas eu lieu. Chaque jour, une atteinte de plus est faite aux libertés. Et pourtant,  la liberté d'autrui étend la mienne à l'infini disait Bakounine. Le tout sécuritaire, un besoin constant d'être rassuré, tue lentement mais sûrement l'imagination, le rêve, la flânerie, la déambulation solitaire, l'imprévu, la rencontre de hasard, l'évasion, la spontanéité, l'incongru. Le détour est banni au profit de la ligne droite.  Tout est balisé. Sans surprise possible. L'organisation étatique de toutes les heures de nos jours ne nous laisse plus de répit.  Autogestion de la vie quotidienne : que nous reste-t-il à organiser, gérer, penser par nous-mêmes ? Interdit de faire de la musique un peu fort, interdit de fumer, interdit de boire sans modération....  Il est interdit d'interdire. Nous oublions de Vivre sans temps mort, jouir sans entraves. Nous vivons à l'économie, pour l'Economie. Nous ne nous interrompons plus, les uns les autres, lors des débats télévisés. Le temps de parole est cadré, délimité, mesuré. Les apôtres du consensus, de la tolérance, de la bienséance ne tolèrent plus la colère, l'énervement, les débordements, l'excès,  LES excès. Mort aux tièdes. Muselés, entourés de garde-fous, nous n'osons plus réclamer l'impossible. Le réalisme de droite, dans son prosélytisme incessant, a contaminé une certaine gauche. Elle n'ose plus revendiquer, dans une poétique et utopique formule Soyez réalistes, demandez l'impossible !

Mai 68 disait : Je décrète l'état de bonheur permanent. Mai 2008 déclare : Je décrète l'état de sécurité permanent.

Doit-on perdre courage ? Rejoindre aussi à notre tour la cohorte des endormis et des désespérés ? Non. Ne désespérez pas, faites infuser davantage (Henri Michaux).  Car dans la mondialisation galopante des petits et des grands intérêts, des grandes et petites peurs, certains tentent encore de dire : Arrêtez le monde, je veux descendre. Et d'autres proclament : Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n'empêcheront pas la venue du printemps.

Lundi 28 avril 2008 : Les enfants de fumeurs placés à la DASS

Je viens de lire, sur un forum consacré aux pipoles, un courrier de protestation d'une fan qui condamne le fait qu'une star hollywodienne fume devant ses enfants. Comme je l'avais écrit dans un précédent billet, le mauvais parent, dorénavant, est le parent fumeur. Il est placé au même niveau que celui qui inflige des maltraitances ou qui "met en danger la vie d'autrui". L'enfant mineur ne pouvant opposer son "droit de retrait", on s'attend à lire prochainement sur le site du bon docteur Audureau et des anti-fumeurs enragés qu'il faut retirer leur droit de garde à ces mauvais parents. Pourquoi pas ? Dans la mesure ou DNF incite les personnes qui travaillent chez des fumeurs à opposer leur droit de retrait, au nom d'un "péril grave et imminent", la logique voudrait que l'Etat protecteur des faibles soustraie les enfants de leurs foyers enfumés et les protège des monstrueuses pratiques de parents criminels. Expédions tous les enfants de fumeurs à la DASS ou plaçons-les dans des familles d'accueil non fumeuses, le temps que les parents aient réussi leur sevrage tabagique. Ne haussez-pas les épaules : nous sommes très près de ce type de mesure. Très très près.

Dimanche 27 avril 2008 : Le Général de Gaulle avait raison

En France, nous ne sommes que des veaux. Ascendant  moutons. Bêlant. Ou plutôt des vaches. Nous meuglons beaucoup.  En petit troupeau. Entre nous, entre vaches de bonne connaissance.

_ Ca t'a fait mal aux pis c'teu  machine ? Alors meugle un bon coup, que le fermier t'entende, dit la Noiraude.
_ Ouais, ça peut pu durer c'te vie en stabulation et c'teu machine...
_ Fous-y donc un bon coup de sabot au moment de la traite, ajoute la Marguerite.
_ T'es pas folle ? Pour qu'il m'envoie finir mes vieux jours en boucherie... répond la Finette.
_ Que faire alors ?
_ Si on faisait la grève du lait ?
_  Ouais, ouais, ça c'est une super idée.
_ Andouille, tu vas exploser. Tu vas souffrir. Ca sera encore pire.
_ Quoi faire alors ?
_ Si on faisait une réunion ?
_ Ouis, ouais, ça c'est une super idée.
_ Bla-bla-bla-bla-bla.
_ Bon alors qu'est-ce qu'on fait ?
_ Si on essayait de se fédérer avec les Bretonnes pie noir, les Bleues du Nord ?
_ Et les Salers, les Normandes, les Camarguaises, les Brunes des Alpes....?
_ Ouais, ouais, ça c'est une bonne idée. Une fédération nationale des vaches.
_ Ouais, mais les Camarguaises, elles ont pas les mêmes problèmes que nous.
_ Les Normandes non plus.
_ Les Brunes des Alpes non plus.
_ Oui, il faudrait ne fédérer que les laitières. Pas les bouchères. Les Charolaises ne nous aideront jamais.
_ Ca dépend, moi j'ai une copine étrangère, une Highland qui a protesté avec des Galloways. Et ben elles ont obtenu de meilleures pâtures
_ Ouais, mais elles ont pas les mêmes problèmes que nous.
_ Quoi faire alors ?
_ Une manif de protestation au salon de l'Agriculture !
_ Ouais, ouais !  Ca c'est une super idée. Il faut un évènement symbolique fort. Avec un rayonnement international. Et toute la presse.

MEUH ! MEUH ! MEUH

Trois vaches de marque Prim' Holstein n'ont cessé de meugler pendant toute la durée du Salon de l'Agriculture. Le fermier a dit ne pas comprendre les raisons de ces meuglements. Un vétérinaire espagnol a émis l'hypothèse que les conditions de traite n'étaient pas bonnes, qu'elles avaient toutes les pis en mauvais état. Ce qu'à formellement démenti le fermier français, scandalisé. Pour lui, les conditions de traite et de stabulation sont aux normes européennes réglementaires. Il  a jugé diffamatoires les assertions du vétérinaire, prétendant même qu'il n'avait aucune compétence pour juger de l'état des vaches françaises, celles-ci n'ayant rien à voir avec les vaches espagnoles

_ Ca t'a fait mal aux pis c'teu  machine ? Alors meugle un bon coup, que le fermier t'entende.
_ Non. Fous-y donc un bon coup de sabot au moment de la traite.
_ Vous avez entendu, en Allemagne, les Hinterwälder ont obtenu de super conditions de travail.
_ Ouais. Il paraît qu'elles foutaient des coups de sabots dans tous les seaux de lait. Et puis elles refusaient de rentrer à la ferme le soir.
_ Ouais, mais fédérer les vaches allemandes, c'est bien plus facile que de rassembler toutes les Françaises. Et puis nous, on peut pas sortir.
_ Ouais. Et puis les fermiers là-bas, ils sont moins cons que les nôtres.
_ De toutes façons, c'est rapé. Le fermier a dit que si ça continuait, il nous vendrait aux prochains comices.
_ Il a dit ça ? Mince. Bon ben moi, j'arrête de meugler.
_ Moi aussi.
_ Moi aussi.

Les fumeurs et les patrons de bars allemands obtiennent gain de cause. Et pendant ce temps-là, en France, nous ne cessons de meugler.  Le Général de Gaulle avait raison. Nous ne sommes que des veaux. Non. Des vaches fumeuses résignées à notre sort.


Samedi 26 avril 2008 : Quand dénoncer un fumeur est jugé super rigolo !

Un nouveau concept de sevrage tabagique nous arrive tout droit du Canada : "Dénonce ton fumeur" ! Eh oui, le principe de la dénonciation "amicale" et rigolote est ainsi érigé comme méthode pour inciter un "ami" à arrêter de fumer. Les bien-intentionnés me font vraiment peur. Personnellement, si j'avais dans mon entourage un proche voulant employer cette méthode pour m'empêcher de fumer, je l'expédierais tout de suite à l'hôpital. D'ailleurs AUCUN de mes amis ne songerait à employer ce moyen. Dieu merci (Dieu n'a rien à voir puisqu'il est fumeur de havane mais c'est une façon de parler).  J'aimerais que les propagateurs de cette pratique immonde réfléchissent un peu : la fin justifie-t-elle TOUS LES MOYENS ? Pourquoi ne pas créer un site "Tire une balle en plastique dans la main de ton fumeur", ou "Torture ton fumeur préféré pendant 15 jours en lui tirant les cheveux", le but essentiel étant, si j'ai bien compris, d'imposer une pratique sanitaire par la force humoristique !

C'est un cauchemar ! Ethique, morale, principes, tout fout le camp au nom du sanitairement correct ! Je te dénonce pour ton bien. Ce n'est pas le "bien" qui est important, c'est la voie choisie pour y arriver. Non ce n'est pas drôle. Non ce n'est pas amical. Non ce n'est pas bien de rire avec la dénonciation. On peut imaginer que des tas de "bons citoyens", tous avec d'excellents motifs et de raisons bienveillantes, vont créer des sites clônes "Dénonce ton gros.com", "Dénonce ton toxico.com", "Dénonce ton alcoolique.com". On va donc être bombardés de mails amicaux et culpabilisateurs. Comme disait l'autre, quand on a des amis comme ça, pas besoin d'avoir des ennemis.

Ils sortent d'où ces terroristes ? Moi je dénonce tous ces dénonciateurs. Et j'appelle tous les gens épris de liberté à les bombarder de mails rageurs à : info@denoncetonfumeur.com. Personnellement, le mien tiendra en deux mots : FUCK OFF !

Vendredi 25 avril 2008 : Jetons les racistes dans des urnes prévues à cet effet

Le  3 mai à 19h00,  à l'occasion du match TFC-PSG, l'évènement aura lieu sur la pelouse mais aussi dans le stade avec l'opération : GRAND MATCH SANS TABAC.  Après une édition 2006, baptisé 1er match non fumeur de France, qui rencontra un vif succès, le Toulouse Football Club et les Laboratoires Pierre Fabre ont souhaité réitérer cette opération auprès du grand public en 2008.  Le principe de l'opération est simple. Des hôtesses accueilleront les spectateurs sur le parvis du Stadium et les inviteront à jeter leur paquet de cigarettes (1 paquet de cigarettes par adulte) dans une urne prévue à cet effet. Après avoir effectué ce geste symbolique, l'hôtesse remettra un coupon, qui permettra aux détenteurs de la contre-marque de bénéficier d'une place pour le dernier match du championnat TFC/Valenciennes du samedi 17 mai (20h45). La Bodéga du téf, en tribune sud du Stadium servira de lieu d'échange pour obtenir son billet. Les Laboratoires Pierre Fabre, soutiennent cette action en remettant lors du match, des brochures sur le sevrage tabagique et en dispensant des conseils pratiques, afin : Que chacun participe à cette première étape vers l'arrêt du tabac et pourquoi pas, prendre à cette occasion, LA LIBERTE DE NE PLUS FUMER. Les fumeurs auront également la possibilité de réaliser des tests de mesure du taux d'oxyde de carbone (CO) et d'évaluer leur dépendance vis à vis du tabac à la Bodéga du téf.  Au delà du geste symbolique et de cette opération, cette occasion offre une nouvelle opportunité de sensibiliser le grand public sur les méfaits du tabac, qu'il soit actif ou passif. (source : http://www.football365.fr/la_une/story_234458_Toulouse-Match-sans-tabac.shtml)

Patatras ! Et encore un espace où la liberté de fumer (à l'air en plus) est menacée. Les Laboratoires Pierre Fabre soutiennent cette action nous dit-on. Ils sont drôlement gentils de s'intéresser à notre santé les Laboratoires Pierre Fabre. C'est pas dans notre intérêt ? Ah, non ? Pour booster les ventes du Nicopatch qu'ils commercialisent dites-vous ? Mais non ! Vous êtes vraiment des mal-pensants. C'est uniquement pour notre bien. Uniquement IN-FOR-MA-TIF. C'est complètement désintéressé... Vous voyez le mal partout.

Ce rituel avec des urnes, ça rappelle étrangement quelque chose : la procédure d'ostracisme dans la Grèce antique. Lors de la réunion principale de l'assemblée, les citoyens étaient invités à écrire sur un tesson (l'ostrakon) le nom d'une personne qu'on souhaitait éloigner de la cité. On jetait ces ostrakadans une urne et celui dont le nom apparaissait  le plus était chassé.  Le geste qui consiste à jeter son paquet de cigarettes dans une urne symbolise aujourd'hui l'éviction de la cité des fumeurs. Car ils sont bel et bien ostracisés. Moi, j'aimerais bien qu'on flanque dans des urnes à l'entrée des stades, tous les nazillons et les racistes qui traitent les footballeurs noirs de singes. En ayant eu soin au préalable de les incinérer bien sûr. Car lutter contre le racisme dans les stades, ça me semble quand même autrement plus important que lutter contre la clope ! Mais là, étrangement, on n'entend pas les Laboratoires Pierre Fabre. Il est vrai qu'ils n'ont pas encore inventé le Nazipatch.

Jeudi 24 avril 2008 : Etymauxlogique !

Revenons un peu sur le sens premier des mots, et consultons notre dictionnaire préféré (Dictionnaire historique de la langue française, 2 vol. Le Robert).  Arrêtons-nous sur le mot "Bouc" et plus précisément sur l'expression "Bouc émissaire" : Le mot, attesté au XIIe s. à la fois dans un psautier et dans un bestiaire (v. 1121), désigne le mâle de la chèvre ; il développe dès le moyen français des valeurs figurées péjoratives, comme injure et comme désignation du mari trompé, où le folklore rejoint la tradition chrétienne. * Par référence au rite du Lévitique (XVI) selon lequel, chaque année, la communauté d'Israël transférait symboliquement ses impuretés sur un bouc qui était lâché dans le désert, la locution, bouc émissaire (du latin caper emissarius) est employée dans le langage religieux (1690). Par extension, elle s'est étendue à propos d'une personne sur laquelle on fait retomber les fautes des autres (av. 1755) ; ultérieurement, elle a fourni aux ethnologues et d'abord à Frazer (1918) le concept désignant l'ensemble des rites d'expiation dont use une communauté.

Pour sortir un peu de ces médiévalitudes et rendre l'expression plus compréhensible aux jeunes têtes, illustrons cette définition par un exemple : "le fumeur est un bouc émissaire". En effet, on fait bien retomber sur lui les fautes des industries et les causes du développement de la plupart des maladies, et les propos orduriers dont il est régulièrement et rituellement l'objet dans des forums haineux ont bien valeur ethnologique. Le fumeur a donc une fonction expiatoire pour la communauté. Et c'est ici que l'on retourne à l'époque médiévale : au moyen-âge la maladie était perçue comme la conséquence du péché originel de l'homme. Le malade était un pécheur et la maladie était associée à la pauvreté. C'est exactement la même chose aujourd'hui. Le fumeur est considéré comme un malade et un pécheur (et le plus souvent, il est pauvre). Il est donc légitime de l'isoler, comme on le faisait autrefois. La seule différence, et hormis la valeur expiatoire sus-mentionnée comme on dit - c'est que le pauvre-malade-fumeur ne permet plus la rémission des péchés et l'entrée directe au paradis. Autrefois, on lui faisait des aumônes. Il avait un peu la fonction d'une assurance-salut. On en gardait donc un peu. Mais maintenant, on lui fait en plus grief des sous qu'il coûte. Quand je pense qu'en anglais, moyen-âge se traduit par Dark ages ! C'est nous qui sommes en plein "Dark age", si l'on y réfléchit bien.

Mardi 22 avril 2008 : Le tabac et l'alcool responsables du réchauffement climatique

Une équipe internationale de scientifiques, soutenue par l'OMS et les principales instances sanitaires et environnementales des gouvernements des pays industrialisés, vient de publier une enquête diligentée par les industries chimiques,  agroalimentaires, de l'automobile et les opérateurs de téléphonie mobile  : la consommation d'alcool et de tabac est directement responsable du réchauffement climatique, accélère la fonte des glaces et menace les ours polaires d'extinction.

En effet, il a été démontré que la chaleur humaine dégagée dans les bars par tous les alcooliques qui se pressent pour assouvir leur vice contribue de manière notable à la fonte de la banquise, de même que la fumée de cigarette. En outre, celle-ci, portée par des vents, se répand dans l'atmosphère et cause l'hécatombe des ours polaires qui meurent de différentes maladies causées par le tabagisme passif.

En France, alerté par cette enquête aux conséquences dramatiques pour l'humanité, le député Yves Bur a proposé à Mme Dati de légiférer dans l'urgence et de prendre des mesures pénales drastiques à l'encontre des fumeurs et des buveurs. Outre la fermeture définitive de tous les bars, programmée dès l'automne, les consommateurs d'alcool et de tabac seront impitoyablement traqués par le nouveau Corps de Police Sanitaire (CPS) qui sera mis en place prochainement. Le Ministère de l'Intérieur a d'ores-et-déjà ouvert un numéro vert pour inciter les bons citoyens à dénoncer anonymement tous les alcooliques et les fumeurs connus afin qu'ils puissent être recensés par l'INSEE. Ce recensement permettra de cerner ceux qui croiraient pouvoir échapper à la loi en se réfugiant dans leur domicile. Selon une source sûre, le standard a littéralement explosé.

Une peine d'emprisonnement ferme incompressible de 10 ans et une amende de 150.000 euros viendront appuyer le dispositif législatif. Les récidivistes se verront en outre apposer une puce RFID qui permettra de tracer leurs déplacements et leur comportement.

Les industriels ont témoigné leur vive satisfaction de voir les vrais coupables enfin reconnus.

Envers les députés inquiets des conséquences économiques que la nouvelle loi pourrait avoir sur les firmes commercialisant de l'alcool et du tabac, le député Yves Bur s'est montré rassurant : un fond de compensation équivalant à leurs pertes sera constitué via une augmentation proportionnelle de la TVA principalement, afin de financer leur reconversion dans des industries à haut rendement financier telles que celles oeuvrant dans les domaines du sécuritaire, de l'agro-business, des pesticides, des OGM et des biotechnologies. Quant aux buralistes et aux patrons de bars mis au chômage, le député leur a affirmé que leurs candidatures seraient prioritaires lors de la constitution du CPS et du recrutement massif d'ouvriers du bâtiment rendu nécessaire pour l'édification des 69.805 prisons destinées à incarcérer les fumeurs et les buveurs, soit 21,5 millions de personnes. L'association DNF, en la personne du docteur Audureau, s'est de son côté réjouie de cet arsenal répressif. Elle a assuré au gouvernement qu'elle continuerait à mettre tous ses moyens et ses adhérents au service de cette grande cause humanitaire, notamment en encourageant la délation, comme elle l'a toujours fait. Concernant le financement du fond de reconversion, elle a suggéré qu'un impôt exceptionnel frappe les ex-buveurs et fumeurs repentis à travers des associations comme les Alcooliques Anonymes, ces derniers devant assumer leur part de responsabilité dans le réchauffement planétaire, en dépit de l'arrêt de leurs pratiques addictives. Elle en a profité également pour demander au gouvernement une augmentation significative des subventions publiques qu'elle reçoit, ceci afin d'être encore plus efficace. M. Bur a assuré au Dr Audureau que sa demande serait prise en compte lors des prochaines discussions budgétaires à l'Assemblée.

Dimanche 20 avril 2008 : Petit florilège libertaire et délétère pour les irrespectueux qui n'aiment pas les messages sanitaires

  • Je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin (Henri de Toulouse-Lautrec)
  • Tant que les hommes pourront mourir et qu'ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé (Jean de la Bruyère)
  • La mort ne me concerne pas puisque, tant que je vis, la mort n'est pas et que, quand la mort est, je ne suis plus (Epictète)
  • Le seul sport que j'aie jamais pratiqué, c'est la marche à pied, quand je suivais les enterrements de mes amis sportifs (George Bernard Shaw)
  • An apple a day keeps the doctor away (une pomme par jour éloigne le docteur) : proverbe anglais auquel Winston Churchill ajoutait "pourvu que vous visiez juste !"
  • La statistique a démontré que la mortalité dans l'armée augmente sensiblement en temps de guerre (Alphonse Allais)
  • Les Bulgares vivent vieux. Mangez du yaourt. Vous deviendrez bulgare (anonyme)
  • Il vaut mieux avoir vécu vingt-cinq jours comme un tigre qu'un millénaire comme un mouton (proverbe tibétain)
  • Le travail, c'est la santé... Mais à quoi sert alors la médecine du travail ? (Pierre Dac)
  • A little too much is just enough for me (un petit peu trop, c'est juste assez pour moi). C'est ce que dit un chef indien invité à la Maison-Blanche par le président Wilson et à qui ses amis reprochaient de trop boire et trop manger (cité par Jean Cocteau)
  • Le whisky fait de moi un autre homme... et cet autre homme commande un deuxième whisky (anonyme)
  • Il est dangereux de se baigner moins de trois heures après avoir mangé des champignons vénéneux (Cavanna)
  • Sauf complications, il va mourir (Jules Renard)
  • Le métier de croque-mort n'a aucun avenir. Les clients ne sont pas fidèles (Léon-Paul Fargue)
  • Marcel, il a pris une seule cuite dans sa vie, mais elle dure depuis cinquante ans (Robert Giraud)
  • Il ne faut pas oublier que, le jour du Déluge, ceux qui savaient nager se noyèrent aussi (Ramon Gomez de la Serna)
  • J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé (Voltaire)
  • Les gens sans imagination ont besoin que les autres mènent une vie régulière (Boris Vian)

Samedi 19 avril 2008 : J'aime pas les j'aime pas

Le monde est plein de Schtroumpfs grognons. J'aime pas les fumeurs. J'aime pas les donneurs de leçon. J'aime pas les vieux. J'aime pas les enfants. J'aime pas la droite. J'aime pas la gauche. J'aime pas la télé. J'aime pas le bruit. J'aime pas le silence. J'aime pas les femmes. J'aime pas les hommes. J'aime pas les noirs. J'aime pas les Niçois. J'aime pas la viande. J'aime pas les végétariens. J'aime pas le rock. J'aime pas Bach. J'aime pas les autos. J'aime pas la fumée. J'aime pas la ville. J'aime pas la campagne. J'aime pas les fonctionnaires. J'aime pas les Libéraux. J'aime pas le jour. J'aime pas la nuit. J'aime pas les chauffeurs de taxi. J'aime pas le soleil. J'aime pas l'ombre.

On est bien obligés de vivre ensemble, on ne peut pas vivre tout seul, on ne peut pas détruire tout ce qu'on n'aime pas ni assassiner tous les Schtroumpfs grognons. Et pourtant, qu'est-ce qu'elles nous empoisonnent la vie ces petites créatures,  bleues de colère, de rage, dont le grognement persistant empêche parfois de vivre les Schtroumpfs joyeux, et qui ont recours au Grand Schtroumpf de la loi pour interdire tous ce qu'elles n'aiment pas.

Moi j'aime pas les j'aime pas.

Vendredi 18 avril 2008 : Il n'y a pas plus grave que d'empêcher quelqu'un de porter un chapeau

Balayer d'un revers de main ou de mots le combat de ceux qui veulent pouvoir continuer à fumer dans les bars c'est faire preuve d'un mépris total pour tout ce qui n'est pas soi. C'est établir des priorités de vies égocentrées. De quel droit quelqu'un peut-il juger de ce qui est important, essentiel pour autrui ? Etre, c'est exister en tant qu'être complet, c'est exister sans retranchement, dans toutes les dimensions de cet être. Ce n'est pas la cigarette en elle-même qui est l'objet d'un combat, c'est la défense du geste, d'un geste, d'un mouvement corporel et d'une pratique sociale indissociables. Supposons que l'identité d'un homme soit liée à son chapeau. Qu'il soit un élément intrinsèque de sa personnalité. Signe de reconnaissance, expression d'une culture, d'un style, d'un choix esthétique, ce chapeau aura toute une histoire à raconter. Il sera, pour celui qui le porte, bien plus qu'un accessoire en feutre ou une protection contre les frimas. Il aura été choisi, sélectionné parmi tant d'autres et l'aura accompagné dans tous les entrelacs de sa vie. L'homme qui le porte, s'il en est dépossédé, ne pourra plus jamais être lui-même. Viendrait-il à l'idée de quelqu'un de vouloir lui faire abandonner son couvre-chef ? De lui interdire à vie l'entrée d'un lieu parce qu'il porte son chapeau fétiche, son chapeau-lui ? Vous pensez peut-être "mais ça n'a rien à voir", et "ça n'est pas bien grave". Vous vous trompez. Il y a des normes sociales, mouvantes, parfois nécessaires mais parfois aussi absurdes, inutilement contraignantes et philosophiquement irrecevables. Nul, hormis quelques spécimens d'un autre âge, ne se découvre plus en présence d'une femme, au passage d'un corbillard ou devant son patron. On ne pratique plus ce petit acte d'allégeance, ce retranchement, cette découverture qui fragmente et inhibe l'individu, parce que chacun a trouvé sa juste place et a reconnu celle de l'autre. Garder son chapeau devant une femme, c'est demeurer soi devant un semblable. C'est reconnaître une équivalence. Ne plus se découvrir devant un mort, un prêtre, c'est peut-être "la faute à Voltaire", comme l'aurait dit Hugo, mais c'est surtout exister sans la religion, dans son humanité terrestre. Et garder sa casquette devant un patron, c'est revendiquer son propre espace, son droit à être tout simplement.

Cette interdiction qui est faite aux fumeurs de fumer dans les bars, entre eux, est tout aussi absurde et grave que celle qui consisterait à en interdire l'entrée à une personne vêtue de rouge, ou qui porterait un chapeau. Tous ceux dont on aura tenté de brider la personnalité via des normes sexuelles, religieuses, de genre, de classe, de couleur de peau savent de quoi je parle. Ces normes exigeant qu'ils retranchent, qu'ils gomment ou qu'ils dissimulent une partie essentielle de ce qu'ils étaient. Certains territoires leur étaient interdits. A ceux qui me répondraient qu'il est plus essentiel de pouvoir exprimer librement sa sexualité plutôt que pouvoir fumer par exemple, je dirai que non. D'une part parce que c'est à chacun d'établir ses priorités, c'est-à-dire de déterminer ce qui le constitue du point de vue de l'identité, et d'autre part qu'un être est un tout, non divisible, non fragmentable. L'obliger à retrancher une petite partie de ce qui est pour lui essentiel et lui interdire une partie de l'espace public, c'est le priver d'exister pleinement. Donc d'exister tout court. Formidable régression historique. Aujourd'hui, le chevalier de La Barre serait condamné à payer une amende pour être entré dans un taverne une cigarette à la main. Et le curé appelant à la délation s'appellerait Audureau. La comparaison est valable car nul aujourd'hui, en France, n'est plus condamné à mort. Chaque époque établit sa hiérarchie des priorités, des culpabilités et des peines.  Aujourd'hui, en France, fumer dans un bar expose à une peine, gravée dans le marbre de la loi. On n'est plus condamné à mort, non, mais on est condamné à la ségrégation sociale. Le temps est revenu où l'on doit se découvrir au passage des apôtres de la santé, notre nouvelle religion contemporaine. C'est pour cela que j'affirme qu'il n'y a pas plus grave que d'empêcher quelqu'un de porter un chapeau.

Jeudi 17 avril 2008 : Pourquoi les médecins veulent nous maintenir en moyenne santé

Dans une société avancée (technologiquement s'entend, car pour pour le reste....) comme la nôtre, dans laquelle la santé est au centre des préoccupations de l'Etat, le pouvoir des médecins est devenu immense. Conseillers techniques, gestionnaires de santé, interdiseurs de fumer en rond, de manger ci, de manger ça... , omnipotents, omniprésents, omniscients, ils sont devenus les véritables censeurs de nos modes de vie. Dans quel intérêt ? Les optimistes répondront : "dans l'intérêt DU patient". Et les mauvais esprits comme moi diront que nombre d'entre eux sont aussi motivés par la sauvegarde de leur pouvoir et de leurs propres intérêts. Qui renoncerait aussi facilement à se délester d'une partie de son pouvoir ? Participant à toutes les grandes instances de santé gouvernementales, coudoyant ou tenant la main de nombre de nos députés qui confondent bien public ou intérêt public et santé publique, tirant parfois de bons et gros revenus des industries pharmaceutiques et de l'agro-alimentaire, s'occupant de "communication sanitaire" (petits messages en dessous des publicités et films de prévention) et de répondre à toutes les demandes médiatiques sur n'importe quel sujet de société, il ne leur reste plus beaucoup de temps pour réfléchir, sereinement, philosophiquement et déontologiquement à la nature de leur mission sur cette vaste terre, de ses vastes noirceurs et emmerdements. Quant aux très très mauvais esprits comme moi, ils iront encore plus loin. L'intérêt des médecins est de nous tenir non pas en bonne ou en mauvaise santé mais en moyenne santé. La trop mauvaise santé, c'est la mort. Donc plus de clients. La trop bonne santé, c'est pas de maladie, donc plus de clients. Donc plus de docteurs. Donc plus de vente de médicaments. Donc plus de commerce pharmaceutique. Aïe ! Bon. J'exagère un peu. Beaucoup peut-être. Quoique. Comment expliquer que certains croisés de la médecine ne condamnent pas davantage (et parfois cautionnent scandaleusement) les industries chimiques qui nous empoisonnent lentement et sûrement ? Ou les industries pharmaceutiques qui, reprenant à leur compte l'adage créé par le bon docteur Knock ("Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent") créent des maladies pour nous vendre du médicament ? Vous croyez que j'exagère ? Lisez-donc cette formidable enquête du journaliste allemand Jörg Blech : Les Inventeurs de maladies (Ed. Actes Sud, 282 p., 20 €. Postface du Dr Martin Winckler). Et pour ceux qui ne connaissent pas encore Knock et Jules Romains, en voici quelques extraits (on peut lire la pièce dans son intégralité sur http://pagesperso-orange.fr/mutins/textes/knockact1.html).

Car, comme le conclut l'auteur de la présentation de la pièce sur le site http://www.etudes-litteraires.com/knock-jules-romains.php, à propos de Knock et de notre asservissement au pouvoir des médecins : "Avec Knock, Jules Romains dénonce le viol des consciences, l'asservissement des foules à l'âge scientifique et commercial, lorsqu'un être sans scrupule spécule sur nos peurs ataviques ou joue de nos travers.
Mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est que Jules Romains ne nous a pas dépeint un escroc de génie, mais un être persuadé de sa mission sociale, l'apôtre d'une nouvelle religion, un filou visionnaire qui voudrait " mettre toute une population au lit pour voir, pour voir ". En fin de compte, ce qui passionne Knock, c'est son emprise sur les individus par la science ou par toute autre voie : " Il n'y a de vrai décidément que la médecine, peut-être aussi la politique, la finance et le sacerdoce que je n'ai pas encore essayés ".


On est en plein dedans ! Moi je vous le dis. Alors relisez Knock.

ACTE II, scène 1
Knock, le tambour de ville
:
Knock
Mon ami, faites votre travail aujourd'hui comme d'habitude. Ce soir, couchez-vous de bonne heure. Demain matin, gardez le lit. Je passerai vous voir. Pour vous, mes visites seront gratuites. Mais ne le dites pas. C'est une faveur.
Le Tambour
Vous êtes trop bon, docteur. Mais c'est donc grave, ce que j'ai ?
Knock
Ce n'est peut-être pas encore très grave. Il était temps de vous soigner. Vous fumez ?
Le Tambour
Non, je chique.
Knock
Défense absolue de chiquer. Vous aimez le vin ?
Le Tambour
J'en bois raisonnablement.
Knock
Plus une goutte de vin. Vous êtes marié ?
Le Tambour
Oui, docteur.
Knock
Sagesse totale de ce côté-là, hein ?
Le Tambour
Je peux manger ?
Knock
Aujourd'hui, comme vous travaillez, prenez un peu de potage. Demain, nous en viendrons à des restrictions plus sérieuses. Pour l'instant, tenez-vous-en à ce que je vous ai dit.
Le Tambour
J'vais me coucher


ACTE II, scène 2
Knock, l'Instituteur Bernard
:
Knock
Je le sais, monsieur Bernard, je le sais. Voilà donc une malheureuse population qui est entièrement abandonnée à elle-même au point de vue hygiénique et prophylactique !
Bernard
Oui
Knock
Je parie qu'ils boivent de l'eau sans penser aux milliards de bactéries qu'ils avalent à chaque gorgée.
Bernard
Oui
Knock
Savent-ils même ce que c'est qu'un microbe ?
Bernard
J'en doute fort ! Quelques-uns connaissent le mot, mais ils doivent se figurer qu'il s'agit d'une espèce de mouche.
Knock
C'est effrayant. Écoutez, cher monsieur Bernard, nous ne pouvons pas, à nous deux, réparer en huit jours des années de... disons d'insouciance. Mais il faut faire quelque chose.


Acte II, Scène III
Knock, le pharmacien Mousquet
:
Knock
Je considère que tous les habitants du canton sont de fait nos clients désignés.
Mousquet
Tous.
Knock
Je dis tous.
Mousquet
chacun peut devenir notre client
Knock
Client régulier, client fidèle.
Mousquet
Il faut qu'il tombe malade !
Knock
"Tomber malade", vieille notion qui ne tient plus devant les données de la science actuelle. La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. Naturellement, si vous allez leur dire qu'ils se portent bien, ils ne demandent qu'à vous croire. Mais vous les trompez. Votre seule excuse, c'est que vous ayez déjà trop de malades à soigner pour en prendre de nouveaux.

Lundi 14 avril 2008 : Echange droits de l'Homme contre interdiction de fumer

Et un de plus. La Russie vient de signer la convention de l'OMS sur la lutte anti-tabac. Et Pékin olympique sera non fumeuse. L'OMS est bien contente. C'est vrai, la priorité des priorités c'est que les gens ne fument pas. Des pays aux méthodes de gouvernement brutales, violentes, répressives, meurtrières troquent leur droit de maltraiter leurs populations contre une politique anti-tabac. Celle-ci les fait entrer de facto dans le cortège des nations propres, civilisées, préoccupées de la santé humaine avant tout. Oyez oyez. Voyez voyez comme nous sommes attentifs au bien être de nos peuples. Nous serons particulièrement attentifs à ce que les dissidents politiques, les Tchétchènes et tous les autres ne grillent pas le plus petit bout d'un mégot. Et dans la grande nation déesse qui décide de tout partout, qui modèle sa vision du monde avec la glaise de nos vies, on n'a pas le droit de fumer, mais les armes sont quasiment en vente libre. On n'a pas le droit de se tuer. Mais on a le droit de tuer. Dans ses prisons, et parfois dans le couloir de la mort, les condamnés n'ont pas le droit de fumer. Quelle philosophie humaine inconnue peut bien sous-tendre ces interdictions-là ? Préserver la santé pour allonger une vie qu'on se prépare à faucher ? Parce que de bons prisonniers sont des prisonniers sains ? Pour pouvoir dire qu'un être a été grillé, gazé certes, mais qu'il est mort exempt de cancer ou de maladies qui coûtent cher à soigner ?

Cette histoire de tabac, c'est la version moderne du plat de lentilles d'Esaü. Et les rusés Jacob de notre monde savent bien, eux, où est la priorité et quelle est la véritable finalité de tout ça.

Dimanche 13 avril 2008 : Le jeu des 7 différences

Tout le monde connaît ce petit jeu d'observation : entre deux images quasiment semblables, il faut relever les petites différences. Parfois c'est difficile, mais parfois c'est vachement fastoche. Je propose ici aux personnes peu observatrices une version très simplifiée qui consiste à ne relever qu'une différence entre ces deux images que je soumets à leur scrutation : top chrono. Stop ! Quelle différence notoire avez-vous pu observer entre ces deux fumoirs ? Oui : le premier a l'air bien confortable. On lâcherait incontinent notre bout de trottoir venté pour s'y précipiter et pouvoir fumer, confortablement vautré dans l'un des deux fauteuils rouges. A l'évidence aussi, les patrons de ces lieux n'ont pas fait appel au même décorateur. Le second fumoir est nettement plus épuré, plus moderne diront les optimistes ou efficace diront les libéraux : matière plastique ou métal gris, sobriété, austérité glaciale, pas de siège. Rien qui invite à s'attarder. Normal, on est dans le fumoir d'un casino : il ne faudrait pas que le joueur-fumeur s'amollisse dans un lieu de délices quand il pourrait dépenser son argent à une table de jeu. Bien qu'on loue les efforts de certains patrons d'établissement (qui y sont poussés bien sûr, car nul ne dépense son argent pour le seul plaisir des clients) pour aménager des espaces fumeurs, on ne peut que constater la formidable distance sociale qu'il y a entre le fumoir pour pauvre et le fumoir pour riche. Car c'était ça la réponse. Dans le bar d'un quartier populaire dans lequel je me suis rendue l'autre jour, le patron avait séparé l'espace fumeur et non fumeur d'une simple vitre. Tout au bout de la salle, parqués dans une réserve de 4m2 à la décoration spartiate, c'est-à-dire pas de décoration, le touriste curieux pouvait observer derrière la grande baie transparente quelques fumeurs entrain de jouer aux cartes, derniers indiens traqués par les cow-boys anti-tabac. Ca donnait envie de prendre des photos ou de leur balancer quelques cigarettes, comme on lance au zoo des cacahuètes à nos cousins poilus.

Evidemment, dans les rues adjacentes et moins fréquentées, dans les différents bars que j'ai visités, pas de fumoir. Pas même un fumoir de pauvre. Le vrai fumeur vraiment pauvre retrouve donc son espace dédié naturel : la rue, le pavé, le trottoir. Juste retour des choses. Depuis la nuit des temps et jusqu'à il n'y a pas très longtemps, l'exiguité, le manque de logements, leur inconfort et leur insalubrité faisait préférer l'espace public aux infortunés. Les pauvres vivaient dehors. Et parfois, quand ils avaient trop froid, où qu'ils avaient envie d'un peu de compagnie, ils se rendaient au café. Chaleur humaine et chaleur tout court. Aujourd'hui, terrible régression à laquelle les sociologues et les politiques devraient réfléchir, le fumeur pauvre a le choix entre la rue battue par les vents, ou son petit chez lui, peut-être inconfortable. Peut-être pas. Mais ses copain(e)s vont au bistro. Il ne peut peut pas inviter tout le monde chez lui. Alors il s'assoit devant le bar, sur un rebord en pierre. J'en ai vu l'autre jour : mouillés par une petite pluie fine, à peine abrités par un auvent très étroit, sur un bout de trottoir dont la largeur ne permet pas de mettre 2 chaises, deux fumeuses et un fumeur, le dos voûté, la tête rentrée dans les épaules,en grillaient une, vite, sans se parler tant il faisait froid. Mais tout ça bien sûr est fait pour leur bien.

Et pendant ce temps-là, dans le fumoir cosy d'un relais-château, les pieds en éventail rôtissant au feu d'une belle cheminée, un riche savoure un bon cigare dans un décor de rêve. Il l'a bien mérité. Il paie suffisamment cher son repas et son repos. Caricatural dites-vous ? Non. C'est la banale réalité. Le riche fumeur trouvera toujours un accommodement, des complaisances et des commerçants qui calculent leur retour sur investissement. Il paie. Il a droit à certains égards. C'est la vie, c'est comme ça. Ca l'a toujours été. Pourquoi voulez-vous que ça change ?

Dans ce jeu-là, qu'on appelle aussi parfois le jeu des 7 erreurs, je n'en vois qu'une : la grande erreur c'est d'être pauvre. Pas besoin d'aller au casino pour savoir qu'à ce jeu-là, le pauvre est toujours perdant. Sauf que lui, il paie double.

Samedi 12 avril 2008 : Les arguments qui tuent

Cliquez pour agrandir l'image"Moi je suis pour cette loi car mon mari est mort d'un cancer des poumons". Voilà ce qu'on peut entendre comme argument pour justifier l'interdiction de fumer dans les bars. La loi permet aux victimes collatérales de la mort de justifier l'injustifiable. De s'insurger contre la grande Faucheuse, cette rôdeuse, cette guetteuse à l'affût qui, par mille et une voies, mille et un moyens fait tout simplement son job. Comme Brice Hortefeux, elle a ses quotas à remplir.

Que répondre à quelqu'un qui vous jette son malheur sur les pieds ? Lui répondre : " Moi je suis contre cette loi, car mon mari s'est suicidé parce qu'il était contraint de vendre le bar et de pointer au chômage " ? Malheur contre malheur. Mort " évitable " contre mort " évitable ". On peut imaginer un tas de petites phrases insurrectionnelles et compassionnelles du même modèle  : " Moi je suis contre les piscines, car mon petit fils s'y est noyé ". " Moi je suis contre les tabourets car ma grand-mère est morte d'une fracture du crâne ". " Moi je suis pour l'interdiction totale des voitures, car ma sœur est morte écrabouillée "….Et pourquoi pas : " Moi je suis contre la maladie, je suis contre la mort "…

Nos sociétés dites " modernes " " évoluées "ont lancé une guerre à outrance contre la mort. Le moindre salmonellosé est comptabilisé, médiatisé sur TF1. Et qui de s'offusquer, qui de chercher un responsable et un coupable : un fromage tueur, un marchand de fromages, un chercheur qui n'aura pas trouvé. C'est une honte ! Mourir à notre époque, c'est inconcevable ! Nous vivons dans une société " moderne ", qui a éradiqué la peste, la lèpre, qui sait tout, qui doit protéger de tout. Encore, qu'on meurt en bas, chez les pauvres, en Afrique, c'est normal, ils ne sont pas " évolués ", et puis ils sont habitués. Mais chez nous, en France, en 2008, on peut mourir de la légionellose, vous vous rendez compte ?

Alors malheur évitable pour malheur évitable, moi je vous sers celui-là, faites-en ce que vous voulez :

Chaque minute, un enfant meurt de la rougeole en Afrique. Bien que l'hémisphère occidental ait pratiquement éliminé la rougeole et les décès causés par cette maladie, avec 450 000 enfants victimes chaque année dans le continent, elle cause plus de mortalité infantile que le VIH, la tuberculose ou le paludisme.
Pourtant, chaque mort peut être évitée par une simple vaccination qui coûte moins d'un dollar par enfant.
Phyllis A. Cuttino, Vice-Présidente de la Fondation des Nations Unies.

En France, le nombre de décès dus à la rougeole est estimé à moins de 10 par an.

Vendredi 11 avril : Trop de corps, trop peu d'esprit

Cliquez pour agrandir l'imageChez nous, le corps est devenu une véritable obsession. Ceci est un "understatement", comme on dit en anglais - que les curieux plongent dans leur dictionnaire. Beauté obsessionnelle, minceur obsessionnelle, sur-représentation. Le corps est l'objet de tous les enjeux et de tous les soins, esthétiques, sanitaires. Un corps se doit de n'être ni trop, ni trop peu. Chouchouté, dorloté, pétri de crèmes, musclé, bodybuildé, soigné, oint, il se doit de réfléchir l'image saine d'un esprit sain. Le moindre point noir se doit d'être dégommé. Le plus petit bouton doit être masqué. Une rougeur fugitive maquillée. Une ride lissée. Un bout de gras éradiqué. On ne doit pas l'enfumer, l'alcooliser.  Il faut le protéger à tout prix. Mais cette centralité obsédante va bien au delà. Le bracelet électronique, qui marque le corps des condamnés en est l'un des prolongements. Comme les marquages biométriques : identification par l'iris, le doigt, la forme du visage.... Comme le traçage de nos déplacements corporels au moyen de toute une gamme très sophistiquée de puces, de fréquences radio... Nos corps sont devenus des boulets ! Nous sommes les prisonniers de nos corps. Nous en sommes devenus les esclaves soumis. Le corps est devenu notre propre ennemi. L'offrir en pâture et par petits bouts aux dépeceurs esthético-sécuri-sanitaires, c'est nier fondamentalement que notre corps nous appartient. Notre corps devrait être un espace de liberté sanctuarisé. Il devrait être inviolable, l'inexpugnable limite à défendre bec et ongles.

Opposer cette surabondance de corps à un déficit d'esprit peut paraître facile. Pourtant. Les sociétés de l'image, qui mettent en scène ces corps, focalisent l'attention visuelle. La vue est constamment sollicitée, au détriment d'autres sens. Mais aussi au détriment de notre personnalité profonde. L'extériorité prime l'intériorité. La réflexion, la pensée, l'esprit sont inféodés à ces corps. Une belle pensée peut-elle jaillir d'un corps difforme ? Souhaite-t-on entendre cette pensée quand ce même corps, inesthétiquement correct, fait barrière ? Scarron (1), le burlesque, le grotesque, au pauvre corps tordu, pourrait-il être invité dans un débat d'idées à la télévision aujourd'hui ? Je n'en suis pas sûre, car la télé ne montre que des corps et des visages arrangés, maquillés, dignes d'être montrés. Nous ne sommes plus au XVIIe siècle, siècle où l'on célébrait l'esprit et où l'on débattait précisément de la problématique corps-esprit.

Alors je dédie cette chronique à Scarron, homme d'esprit autant que de corps.

(1) Ex-abbé galant devenu libertin parisien difforme (une tuberculose osseuse eut raison de son apparence), Paul Scarron (1610-1660) cultive le genre burlesque. Proche de la Fronde, puis protégé de Fouquet, enfin époux de Françoise d'Aubigné - future marquise de Maintenon, épouse morganatique de Louis XIV -, il accumule les déconvenues. Mais il a la réputation de faire face par le rire et la dérision (on le moque, il se moque). Scarron sait jouer du décalage, de la parodie du style épique et du roman héroïque. Dans Le Roman comique (1651-1657), il utilise le style burlesque en orfèvre pour jouer de l'opposition entre le haut et le bas, les réalités sordides, les mots du registre populaire, et la dignité que ses personnages sont censés vouloir conserver.. Extrait de la présentation de Christian Biet, professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre, pour www.universalis.fr

Jeudi 10 avril 2008 : Le désespoir est assis sur un banc...

Dans un square sur un banc
Il y a un homme qui vous appelle quand on passe
Il a des binocles un vieux costume gris
Il fume un petit ninas il est assis...


Un carré de Prévert (Paroles, 1945) dessine l'image fugitive d'un autrefois où un fumeur embrumait son désespoir dans le nuage d'un cigarillo. L'aujourd'hui ouvre ses fenêtres urbaines, ses trottoirs, son pavé, ses bancs à des fumeurs peut-être pas désespérés, mais résignés. Le désespoir a aujourd'hui le visage d'un cafetier allemand que l'interdiction de fumer a poussé à mettre fin à ses jours (voir A LA UNE). Ni plus ni moins qu'une tragédie banale, comme il y en a tant d'autres : petits paysans indiens ruinés par la culture du coton transgénique, qui avalent des bidons d'herbicide ou d'insecticide. Que peut faire un homme de 60 ans, qui a tenu un bar pendant quasiment toute sa vie, lorsque tombe le couperet de la loi et qu'il doit renoncer à son gagne-pain, sans reconversion possible ? La même chose que le petit-paysan indien qui n'arrive plus à faire vivre sa famille. Qui sait si la loi n'a pas assassiné, au delà du commerce, le rêve d'une vie ? Les cyniques, les indifférents, les rassureurs professionnels diront que ça n'est pas pire que ceci, que c'est moins grave que ça, que le cafetier était "fragile". Ils pèseront l'horreur à l'aune du pire. Ils vous diront :

Il faut passer
Faire comme si on ne le voyait pas
Comme si on ne l'entendait pas


Mais le cortège de tragédies quotidiennes n'insensibilise pas les gens qui, comme moi, continuent à crier leur rage contre la tyrannie du nombre qui ne fait pas de quartier, la rigidité, l'inhumanité de ceux qui gouvernent nos vies. Nos petites vies. L'art politique devrait consister à mieux se pencher sur le nuancier infini de nos vies. Spectre politique intraitable qui réduit le spectre lumineux en autant de spectres fantomatiques, prisonniers à jamais d'une terre mal et trop traitée.

Etrange écho. Car ici comme là-bas, liberticide rime avec pesticide. Ma journée aura la même couleur grise que le poème de Prévert. Glissez votre tristesse dans les plis de la voix douce et profonde de Reggiani. Et ayez une petite pensée pour M. Stegmaier et toutes les petites vies brisées par un grand désespoir, en Inde, à côté, ici. Cela vaut bien toutes les minutes de silence officielles.
Le désespoir est assis sur un banc

Mardi 8 avril 2008 : Et les Chinois et les Africains dans tout ça ?

Dans les cafés des quartiers populaires (les autres, je ne les fréquente pas, donc je ne sais pas), tout le monde a vu passer un jour ou l'autre tantôt un(e) Chinois(e) qui déverse dans vos oreilles non préparées un sabir commercial franco-quelque chose d'une voix pointue et précipitée, tantôt un Africain à bonnet  et en boubou chamarré à la mine faussement bonhomme mais rusé comme un renard et têtu comme un breton. Ils portent des sacs à la Mary Poppins et en extraient à une vitesse prodigieuse toutes sortes de gadgets plus mauvais-goût, plus futiles, plus drôles, plus improbables les uns que les autres. Et le pire, c'est qu'ils arrivent à nous convaincre de les acheter ! Il est vrai que dans tout ce bric-à-brac à 2 euros (mais on peut encore marchander), il y a force briquets pour la clientèle fumeuse. De la gamme sportive à la gamme cochonne, ces prestidigitateurs extirpent, pour vous messieurs, des corps de femme dont les tétons s'allument lorsqu'on veut faire sortir la flamme, des ballons de foot qui couinent "Allez Allez" ou "PSG" lorsque vous voulez offrir du feu ou les sempiternels briquets-révolvers pour fumeurs agressifs.  Et pour vous mesdames, des briquets plus sages, plus fleuris, plus gnangnans, plus rose cul-cul qui font pouet-pouet.  Il faut ce qu'il faut. Incroyable l'imagination des créateurs de briquets. Mais que vont devenir tous nos petits VRP hétérodoxes (ils ne portent pas cravate !) s'ils ne peuvent plus vendre au fumeur leur accessoire à la futilité indispensable ? Restent toujours les ventilateurs de poche aux hélices jaune fluo ou rose malabar. Le traumatisme de nos vieux caniculés certain été devrait leur permettre d'écouler leur stock dans les maisons de retraite. Reste aussi le pavé mouillé, froid, où nos petits vendeurs à la sauvette auront moins le temps de déployer leur volubilité et leurs fantaisies. A mon grand dam, car moi, j'aime bien leur acheter des tas de briquets rigolos. Car rigoler et signaler ses priorités ou afficher ses convictions en un tour de flamme à autrui, le tout pour moins de 2 euros, ça n'a pas de prix !

Lundi 7 avril 2008 : Le Yin et le Yang

J'ai lu la question suivante sur un forum : "Peut-on être à la fois fumeur et écologiste" ? Sous-entendu,  peut-ont lutter contre la destruction de la planète et se ruiner la santé ? La question m'a frappée.  Car un système quel qu'il soit qui se veut 100% cohérent est un système dangereux car absolu. Un tel système oppose des 100 % sains à des 100 % malsains. Des 100 % purs à des 100 % impurs. Des 100 % tournés vers la vie et des 100 % tournés vers la mort. C'est un système qui ne tolère aucune déviance, aucun coude, aucun virage, aucun dérapage. C'est un système inhumain qui oppose, qui fait fi de la nuance. Peut-on être fumeur et dénoncer les pesticides ? Peut-on être fumeur et vouloir manger des produits sains ? Peut-on être fumeur et dénoncer les méthodes des cigarettiers ? Peut-on être fumeur et humaniste ? On peut poser des tas de questions comme ça. Je gage qu'il y a des tas de non fumeurs qui se foutent royalement des pesticides, de la pollution automobile et industrielle... Je suis fumeuse et je ne jette jamais aucun papier par terre. Je trie mes déchets. Je veille à économiser l'énergie. Je milite pour protéger la biodiversité. Je prends le moins de médicaments possibles. Je m'insurge violemment quand j'apprends que les multinationales envoient en Afrique leurs vieux médicaments pourris et leurs stocks de DDT, interdits depuis fort longtemps dans les pays occidentaux.

L'être humain est fait de nuances voire de contradictions. La vie, après tout, ne consiste-t-elle pas, entre autre, à tenter de résoudre ou dépasser certaines contradictions ? Ou à défaut, de les assumer ? Je fume donc je suis. Je suis humaine donc je suis imparfaite. Je lutte pour un monde meilleur. Et je me prends une bonne cuite de temps en temps aussi. Il n'y a pas de bons et de méchants absolus.

Tiens, pour finir, je vous laisse méditer sur la cohérence : peut-on être d'extrême-droite et écologiste ? Peut-on être d'extrême-gauche et être un fieffé connard ? Peut-on être non-fumeur et pollueur ? ...

Samedi 5 avril 200 : What's the point ?

On lit de plus en plus d'articles sur les vertus de l'invention du siècle : " la cigarette électronique " ! Bon. Si ça peut aider ceux qui ont envie d'arrêter de fumer, je dis tant mieux. Si ça évite d'emmerder ceux que dérange la fumée, re-tant mieux. Mais pour les fumeurs persistants (ces nouvelles mauvaises herbes) comme pour les rouleurs de tabac (comme moi), quel peut bien être l'intérêt ? Moi je n'aime pas les ersatz. Les " à la manière de ", les " comme-ci mais pas tout à fait comme-ça ", les pastis sans pastis, les bières sans bière, le goût sans le goût, la cigarette sans la matière. La cigarette est une petite chose bien vivante : elle a une texture, une odeur, une forme, un bruissement bien particulier qui change d'ailleurs entre le moment où on l'allume et le moment où elle s'éteint. Surtout la cigarette roulée. C'est d'ailleurs aussi pour ça qu'il n'est pas toujours aisé d'arrêter. Arrêter de fumer en fumant une chose morte ! La belle idée ! C'est un peu comme faire l'amour à une poupée gonflable.

Et puis, avec quoi allume-t-on cette cigarette électronique ? Un faux briquet avec une fausse flamme ? A-t-on droit en prime, pour tout achat de ce gadget, à des petits ronds en plastique blanc inaltérable qu'on peut jeter en l'air à l'imitation des ronds de fumée ? La firme fournit-elle le lanceur ? Quitte à vouloir arrêter, autant se mettre au bâton de réglisse, au brin de paille comme Lucky Luke, enfin à tout objet qui n'a rien à voir avec la cigarette. L'illusionnisme créé par cet objet improbable a-t-il quelque chose à voir avec l'illusion de préserver une parcelle de liberté ? Ce serait vraiment le comble. To smoke or not to smoke… Telle est la vraie question. Entre les deux, il y a un espace vide pour les hésitants perpétuels, ceux qui voudraient bien mais qui ne peuvent pas. Des impuissants du choix. Franchement, je trouve ça grotesque.

Vendredi 4 avril 2008 : Comment remplacer un méchant pesticide par un gentil mot

A l'entrée "Pesticide", que nous disent nos naïfs dictionnaires : Mot anglais (de pest : insecte, plante nuisible et cide, du latin "caedere" qui signifie "tuer") : produit chimique employé contre les parasites animaux et végétaux des cultures. C'est clair, simple, explicite. Oui mais voilà, les mots "produits chimiques", ça fait aussi penser à Zyklon B, pesticide de sinistre mémoire, ou à Agent orange au Vietnam ou encore aux catastrophes de Seveso, de Bhopal, et  j'en passe. Bref, ça fait un peu méchant. En revanche, le mot "phytosanitaire", dérivé du grec phuton : plante et "sanitaire" : du latin sanitas qui veut dire "santé", signifie : relatif aux soins à donner aux végétaux. C'est beaucoup mieux, ça sonne beaucoup plus gentil.

Poursuivons. Que cache l'acronyme UIPP ? C'est tout bonnement L'Union des Industries de la Protection des Plantes. Protection des plantes : ça fait nettement plus gentil puisque cette Union s'occupe de maintenir les plantes en bonne santé. Chouette ! Oui mais voilà, tout le monde n'ayant pas encore complètement réformé son vocabulaire, certaines des 19 entreprises qui constituent l'UIPP affichent encore quelques traces de méchanceté dans leur nom : dans BELCHIM CROP PROTECTION FRANCE, on trouve encore un bout de "Chim" , tout comme dans CHEMINOVA AGRO France SAS, MAKHTESHIM AGAN FRANCE ou CHEMTURA. Ces noms sont en voie de transformation puisqu'ils n'apparaissent plus que par apocope (suppression d'une ou plusieurs syllabes à la fin d'un mot). D'autres entreprises ont en revanche complètement réussi leur chirurgie esthétique langagière comme  Phyteurop. Et puis il y a les historiques, ceux qu'on ne présente plus, parfois pour de très mauvaises raisons : BASF, BAYER et MONSANTO pour ne citer que les plus emblématiques. Monsanto, sans euphémisation, ça fait tout de suite un peu méchant. Oui mais non. Le curieux qui se rend sur leur site apprend que ce groupe promeut Une agriculture de qualité, compétitive et durable (...) à l'écoute des spécificités locales, notamment des attentes du consommateur et de la société civile. Nous voilà amplement rassurés.

En même temps, soyons clairs : l'UIPP dans son intitulé dit bien qu'elle protège les plantes . Elle ne dit pas qu'elle protège les sols, la terre, l'air, les hommes.

Qui cherche à transformer son nom (protéger ça fait gentil, détruire ça fait méchant) laisse penser qu'il y a quand même un peu de honte à révéler trop crûment la réalité extrêmement brutale et nocive des produits qu'on répand. C'est un aveu de culpabilité. Qui cherche à présenter favorablement une activité qui peut être dangereuse voire mortelle est dans le déni total et un refus de changement.

Poussés dans leurs retranchements par les anti-tabac, les scientifiques, les associations, les procès,  l'industrie du tabac quant à elle admet enfin ,contrainte et forcée sans aucun doute, que ses produits sont mauvais. Certes elle les commercialise toujours, et ils sont toujours extrêmement nocifs. Mais la reconnaissance explicite est un premier pas. C'est ainsi que le site de BAT France (British American Tobacco) indique : Fumer est un comportement à risque et British American Tobacco France le reconnaît. Elle ne peut plus biaiser. Le site de Philip Morris a un encart spécial consacré à "Tabagisme et santé" dans lequel la compagnie rappelle les méfaits de ses produits. De manière complètement hypocrite d'ailleurs, puisqu'elle déclare Il n'existe pas de cigarette "sûre". On aimerait pouvoir lui répondre : il ne tient qu'à vous !

On attend donc que l'industrie chimique cesse de vouloir revêtir la blanche armure du chevalier phytosanitaire, et fasse enfin son mea culpa toxique. Elle pourra peut-être ensuite opérer une reconversion qui dépassera celle du nom seul et se consacrer réellement à protéger les plantes d'une manière propre. L'industrie agroalimentaire devrait également miser sur le sain, le bio, et cesser de nous empoisonner et de nous engraisser. Sinon, nous risquons bientôt de trouver sur le site des sociétés représentant ces industries des mises en garde tout aussi hypocrites que celles de Philip Morris. On pourra y voir des encarts "Obésité et santé".

Une cigarette est une cigarette. Et un fumeur reste un fumeur. Il n'est pas un "nicotinophile".  Il a toujours LE CHOIX de consommer ou pas un produit qu'il sait être très mauvais pour sa santé et qui n'est absolument pas nécessaire à sa survie. Et que je sache, l'industrie du tabac ne répand pas ce produit A SON INSU. Tout est connu, su, reconnu, re-su. Les industries chimiques, en contaminant la chaîne alimentaire, et les industries agroalimentaires en nous vendant de la merde - cessons d'euphémiser - ne nous laissent en revanche pas le choix. Elles nous imposent leur poison et qui plus est mentent, nient et se parent de vertus qu'elles n'ont pas. Il y a donc une différence FONDAMENTALE entre les méfaits de l'industrie du tabac et ces dernières. Car pour vivre l'espèce humaine a besoin de manger et de boire (de l'eau !). Elle n'a pas le choix. Les comportements "à risque" que les êtres humains adoptent parfois peuvent être modifiés. C'est aussi le fruit de leur volonté. Mais  manger aujourd'hui est une pratique à risque. Et ce n'est pas le fait des individus, qui n'y peuvent rien changer, mais bien des industries et des gouvernements qui les cautionnent. De manière paradoxale, on s'acharne à détruire un produit nocif et superflu - la cigarette -, dont l'achat relève de la liberté individuelle, et on laisse prospérer des industries dont les produits sont nocifs et dont l'achat relève d'une nécessité vitale. Ca ne vous paraît pas étrange, à vous, cette hiérarchie des priorités ?

Jeudi 3 avril 2008 : Insister sur ce qu'on sait pour masquer ce qu'on ne sait pas

Les études sur le tabac n'en finissent pas de pleuvoir : nocivité par-ci, nuisances par-là, cancers, doubles cancers, accidents cardio-vasculaires, risques, dangers, maladies... Etude après rapport, enquête après statistique, on est littéralement noyé quotidiennement par des informations sur le tabagisme. Comme s'il n'y avait que le tabac qui soit dangereux. On en rajoute sur ce que l'on sait déjà. On peaufine, on détaille, on surabonde ! Et pendant ce temps-là, certains médecins, certains professeurs nous disent du bout des lèvres qu'il y a encore beaucoup trop d'inconnues concernant les effets de la pollution atmosphérique, des lignes à haute tension, des effets des pesticides, des champs électromagnétiques, des produits chimiques... "On ne sait pas", "on ne peut rien affirmer"... Tous ces autres dangers sont "potentiels", mis au conditionnel.  Alors intéressez-vous. Cherchez. Et osez affirmer.

Au nom de ce ce qu'on ne sait pas (ou de ce qu'on ne VEUT PAS savoir), on préfère revenir sur ce que l'on sait. Comme ça, on ne risque pas de se tromper. On ne tire plus sur les ambulances (industrie du tabac et fumeurs confondus), on les explose à coups de lance-flammes ! Dans ce concert d'unanimités (ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas), quelques voix discordantes, peu audibles car on ne veut pas les entendre - émanant d'esprits un peu plus curieux, lézardent un peu le discours du "on ne sait pas". Elles osent pointer le bout d'une étude contradictoire, d'une hypothèse fort sérieuse ou le résultats de travaux convergents signalant que notre monde, dont on a pu chasser quelques gigantesques fléaux, est complètement chamboulé, perturbé, bousillé et malade. Oui, les sociétés industrielles sont dangereuses. Et oui, c'est vrai - on n'arrête pas de nous le dire - la durée de vie dans ces sociétés-là - les riches - a augmenté. Ce qui doit faire rudement plaisir aux 2,8 milliards de pauvres qui peuplent la planète.

Laissons donc un peu de côté ce que l'on sait et intéressons-nous à ce que nous commençons à connaître un peu mieux. Sinon, le manque de curiosité pourrait vite apparaître comme une grande lâcheté, une immense irresponsabilité, un désir d'autruche d'enfouir tout ce qui fait peur dans une terre qu'on sait bien trop malmenée. 

Mercredi 2 avril 2008 : Les comparaisons caca-boudin de certains anti

La lecture assidue d'Internet l'atteste : le vocabulaire, les comparaisons ou les images employées par certains ayatollah anti-fumeurs montrent qu'ils ne sont pas sortis du stade anal. L'(anal)ogie, largement reprise dans les forums ou les chats, de la gêne occasionnée par la fumée avec l'acte d'uriner en est un exemple. "Me jeter votre fumée au visage, c'est comme si je vous urinais sur la tête". La comparaison a d'ailleurs été happée par un très sérieux professeur, croisé anti-tabac qui était tout content de pouvoir reprendre une image forte (à défaut d'un argument !). Aujourd'hui, dans un article de Libération consacré aux pertes de revenus de certains cafés occasionnées par le décret, un commentateur anti écrit, rageur : "On devrait aussi pouvoir sortir des études sur l'impact économique des fumeries d'opium et des bordels".

L'astuce rhétorique est connue : outrer le deuxième élément de la comparaison par rapport au premier permet de créer une image-choc. Le lecteur foudroyé par la force de l'image en oublie la signification ou la pertinence ou la non pertinence du propos. L'image choc, focalisant sur l'excès fait oublier le sens. En même temps, ce genre de comparaisons renseigne énormément sur la perception, le cadre mental et les obsessions de celui qui s'exprime. Comparer un café fumeurs avec une fumerie d'opium et un bordel revient à faire des fumeurs des drogués et des adeptes du sexe rémunéré. Donc des pervers. Je laisse le soin aux psy professionnels de pousser plus loin une analyse de ces analogies : urine, sexe, drogue, prostitution. Toutes ces comparaisons s'expriment souvent avec beaucoup de haine, de colère, de hargne, de frustration. Un manque de sérénité et de sérieux dans l'argumentation.  J'engage vivement ces obsédés de la cigarette à libérer leur incontinence verbale chez papy Freud ou tonton Lacan. Pour sortir de l'argument pipi-caca et pouvoir enfin grandir. Car ces anti-fumeurs quand même, c'est rien que des gros caca-boudins qui puent du cul !

Mardi 1er avril 2008 : LE JOUR DES SALES BLAGUES

J'ai failli vous annoncer aujourd'hui une nouvelle fracassante : le gouvernement a décidé de modifier le décret anti-tabac et de laisser quelques bars aux fumeurs... Et puis je me suis dit que c'était trop cruel pour tous ceux qui luttent pour faire valoir leurs droits. I had a dream comme disait Martin. Mais on peut quand même s'amuser aux dépens de nos ennemis.  Voici donc les mauvaises blagues auxquelles vous avez échappé, en ce jour facétieux :

  • Le professeur Dautzenberg vient d'être muté en Sibérie (au nord)
  • Le docteur Audureau, de DNF, s'est remis à fumer
  • Roselyne Bachelot participera au prochain défilé de Jean-Paul Gaultier
  • Un plénipotentiaire chinois vient d'offrir au député Yves Bur un boulier pour lui apprendre à compter les morts par tabagisme passif (2)
  • Les Etats-Unis réintroduisent dans leur arsenal pénal les travaux forcés à perpétuité pour les dirigeants de Monsanto
  • Les cantines scolaires ont décidé de remplacer le lait du goûter par du pastis pour booster les ventes de l'entreprise gauloise Pernod-Ricard
  • Nicolas Sarkozy prendra ce soir des bretzels à l'apéro qu'il organise pour remobisliser ses troupes un peu déconfites après les Municipales.

Je vous laisse à présent annoncer les vôtres. Joyeux 1er avril.

































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